Au point de départ, il y a la perte brutale de mon père en 2018 et la nécessité impérieuse de rester en contact avec lui. Il y a le besoin de nous offrir, à l’un et l’autre, non seulement un espace de retrouvailles mais aussi de réconciliation qui permette l’au revoir : un territoire de repos pour le défunt, la possibilité du deuil pour celle qui reste*. Le temps pas- sant, une des spectaculaires leçons du deuil est que cette traversée est d’une vivacité tonitruante et pleine de surprises, voire de visites et de rencontres - et que c’est par le corps que la vie pulse et propulse.
La rose de Jéricho est d’abord le nom d’une plante du désert, dite immortelle. Elle peut subsister des années à de-mi-morte, desséchée, inerte. Dès lors que la pluie tombe ou qu’on l’arrose, elle reprend vie. La rose de Jéricho est une pièce dans laquelle on croit aux fantômes et à leurs visitations espiègles. On croit en la vibration de leurs présences dans nos corps et nos psychés, à leurs possibles réanimations.
La rose de Jéricho est une histoire de famille entre l’Algérie, la France et le Portugal : elle s’adresse à nos ancêtres et aux êtres à venir. C’est une histoire de glissement, de mutation, d’un corps à l’autre, du passé vers le futur, du futur vers le passé, de toi à moi.
La rose de Jéricho est un trio chorégraphique et musical avec Alice Martins et Magda Kachouche, augmenté par la présence du musicien Gaspard Guilbert. C’est un bal-concert pendant lequel on s’offre une valse colorée et punk avec nos fantômes. Guidée par la maîtresse de cérémonie Magda Kachouche, sorte de pythie décalée des temps modernes en contact direct avec l’au-delà, la danseuse Alice Martins avance sur le chemin de ces métamorphoses infinies et sal- vatrices. En lien avec les spectateurs, les protagonistes génèrent des rituels dansés, chantés et lumineux célébrant la vitalité pure, joyeuse et universelle qui persiste entre les morts et les vivants de toutes les espèces.
*formule empruntée à la philosophe belge Vinciane Despret